La propagande n’est pas née de l'esprit de Goebbels ou de Staline. C’est aux États-Unis, dans les années 1920, qu’Edward Bernays – neveu de Sigmund Freud et l’un des pères des « relations publiques » – lui a donné naissance. Avec Propaganda, réédition de l’ouvrage classique de Bernays paru en 1928, le lecteur voyage aux racines de la manipulation de l’opinion. La présentation de Normand Baillargeon (Petit cours d’autodéfense intellectuelle), rend sa lecture encore plus savoureuse.
En 1919, Edward Bernays ouvre un « Bureau de relations publiques » LE LIEU où il se donne le titre de « conseiller en relations publiques ». Il s'occupe alors de plusieurs campagnes pour Proctor & Gamble, General Electric et American Tobacco Co. Le professeur-essayiste-philosophe Normand Baillargeon, qui présente l'essai, explique que M. Bernays n’était pas le seul à pratiquer le métier dans les années 1920, mais il était le premier à vouloir « appuyer sa pratique des relations publiques à la fois sur les sciences sociales [...] et sur diverses techniques issues de ces sciences. » Il s'inspire de la psychanalyse, avec laquelle il était familier grâce à son oncle Sigmund Freud à qui il vouait une admiration sans bornes. Par exemple, il demanda conseil au psychanalyste Abraham Arden Brill pour bien mener sa campagne visant à amener les femmes à fumer. M. Bernays cherchait aussi à « fournir un fondement philosophique et politique aux relations publiques et des balises éthiques à leur pratique. » C'est pourquoi il est scandalisé d'apprendre que Joseph Goebbels, chef de la propagande nazie, avait ses ouvrages dans sa bibliothèque et admirait sa conception de la propagande et des relations publiques.
Bernays a tenté de redonner au terme « propagande » une acception neutre même s'il admet qu'elle demeure toujours une « manipulation consciente et intelligente des opinions et des habitudes organisées des masses. » Les relations publiques forment « un gouvernement invisible » où une poignée d'individus amènent « la majorité [à penser] dans le sens de ses intérêts. » L'auteur croit que la propagande est une forme d'éducation des masses dans tous les domaines : politique, économique, scientifique, artistique et même féministe. Selon M. Bernays, la propagande, qui « crée de l'ordre à partir du chaos », ne cessera jamais d'exister. Encore aujourd’hui, rien n'est plus vrai.
Même après 80 ans, l’essai d'Edward Bernays reste d'actualité et montre le pouvoir tentaculaire des firmes de relations publiques. Efficacement mis en contexte par Normand Baillargeon, cet ouvrage explique de façon simple l'implication des relations publiques dans presque tous les domaines et éclaire les procédés de mainmise de la propagande sur tous les citoyens. Une lecture à « propager ».
Article paru dans Quartier Libre
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